Un matin comme les autres ...

- Mamaaaannnnnnn, braille fiton, t’as pas mis assez de chocoyat dans mon léééééééé.

Il est 7h30, il faut impérativement être parti pour 8h10 tapante afin d’arriver à 8h15 chez nounou, lui parler 3min30, remonter dans la voiture, déposer Fiton à l’école, le déshabiller, aller aux toilettes (c’est toujours mieux à l’école), faire le bisou, et encore un, pis encore un méaprèscéfini, remonter dans la voiture à 8h30 et foncer au boulot.
Je ne suis bien évidemment pas prête. Je passe ma tète échevelée par la porte, la brosse à la main, TouptiFiton grognant dans l’autre bras.

  -Tant pis, bois ton bibi et dépêche toi, enlève ta couche et dépêche toi, mets tes vêtements et dépêche toi, et surtout dépêche toi !!

Et oui, nous sommes un matin de semaine comme les autres.. qui soit dit en passant ressemble plus à une guerre sans merci qu’à une paisible journée chez Petit Ours Brun. Chez Petit Ours Brun, la maman, coiffée et soignée, est, du petit matin jusqu’au soir, d’un calme olympien (le papa, lui, lit constamment son journal.. si, si, faites bien attention, vous verrez que la famille de Petit Ours Brun est d’un machisme exemplaire)

  - Mais mamaaaaaan, il faut encore du chocolat dans mon bibiiiiiii !!!
  -  (Arghhh, il va pas me lâcher !! je tente un bricolage de Gordon/parents efficaces- minute) Oui mon fiton, je sais que tu aimes que ton bibi soit comme d’habitude mais je n’ai pas de chocolat ce matin. Maman ira en acheter et tu en auras demain matin.
  - Mais Mamannnnnnnnnn …

Aïe .. Gordon-minute n’a pas fonctionné..  on se demande pourquoi .. ;-) Je retourne lâchement dans la salle de bain, TouptiFiton toujours râleur au bras, et prends une pince à cheveux pour tenter quelque chose de décent sur ma tète.. ouaif .. résultalt non concluant .. TouptiFiton me regarde, hilare.. bon, ça fait rire quelqu’un au moins .. je m’attelle à son habillage. On enlève la couche, on nettoie les fesses, on enlève le paquet de lingettes qu’il est en train de gouter, on remet une couche, on remets les pressions du body .. une .. deux .. ben merde lé où le troiz ?? zut, j’ai tout décalé .. je recommence. Non, on ne touche pas le tube de crème .. trois ! victoire ! non, tu ne tapes pas maman avec tes pieds .. le pull, le pantalon, les chaussettes .. super j’ai les deux !! (les matins sont fait d’infimes petites victoires comme celles-ci)

  - ayééé, Mamannn, j’ai fini mon bibiiii  (encore une victoire !!)
- C’est bien, mon cœur, alors maintenant tu enlèves ta couche et tu commences à t’habiller. Maman a préparé tes vêtements à coté de toi.

Bon j’en étais où .. inspection de TouptiFiton .. c’est bon, tout est ok, vous pouvez disposez, petit troufion ! Je mets TouptiFiton à terre qui manifeste aussitôt sa désapprobation. Tant pis, il le faut Fils. Je me lance sur la brosse à dent. Non seulement je n’ai pas encore fait le nettoyage de mes quenottes mais en plus ça fait rire TouptiFiton à chaque fois. Une pierre deux coups = efficacité, rentabilité.

  - mamaannn, mon camion, il est cassé, tu peux me le réparer ?
  - Fiton, ché pas le moment de chouer bon chan !!  (je vous rappelle que j’ai la brosse à dents dans la bouche)  che t’ai dit d’enlever ta couche et de t’habiller !!
Fiton repart, en regardant songeusement son camion, signe annonciateur du « c’est rentré par une oreille et ressorti par l’autre ». Je me rince les dents sous l’œil attentif de TouptiFiton , qui ne loupe rien du spectacle quotidien.
  - mamaaaannnnnn !!
  - ouiiiiii  (Je l’avoue. N’étant pas Mme Petit Ours Brun,  certaines fois, ses « mamans » me hérissent les poils)
  - ayéééééé

Alors là je suis épatée .. aurait il fini ?? Je repasse la tète (moins échevelée) par la porte. La couche du matin, lourde et épaisse, trône sur la table. Fiton entame une danse de la joie dans la salle à manger .. nu comme un ver.
  - regarde maman !! j’ai recrouvé mes gants !!
Effectivement, Fiton est nu ..  sauf aux mains. Sur la droite, un gant en laine vert, sur la gauche, un gant en laine rouge aux doigts multicolores.
  - Arrghhh, Fiton !! c’est pas le moment ! Allez zou, je vais t’habiller ! Dépêche toi ! (j’avoue que je suis morte de rire secrètement)
- Oui mais regarde Maman, là c’est le doigt bleu. Celui-ci, il est vert. Pis celui là il est orange. Et là c’est jaune. Là c’est rouge. Et là c’est encore bleu et là c’est tout pareil, vert, orange, jaune, rouge (heureusement que Fiton n’a que 10 doigts !) C’est beau hein Maman ? dit il en admirant sa main.
  - Hmmm, très beau mon cœur ( je m’accroche désespérément aux quelques onces de patience qu’il me reste .. pense à Mme Ours Brun..)

Tee shirt, pull, slip, pantalon, chaussettes … chaussettes.. Chaussettes !!!! Purée, y’a plus de chaussettes ! j’ai oublié d’organiser une chasse !.. vite je retourne le panier à linge .. Fiton en profite pour s’échapper et retourne à ses petites voitures .. Quand à TouptiFiton .. oui c’est vrai ça !! il est où TouptiFiton ??? dans la salle de bain, en train de retourner le placard à serviettes .. Vite le parc, les minutes tournent. TouptiFiton hurle (le parc au multitude de jouets  est bien moins amusant pour un petit bonhomme qu’une pile de serviettes) Bon mes chaussettes.. une.. deux !! ouiii ! Cette mission est indubitablement couronnée de succès, je m’en félicite mentalement.

Allez on continue, pas de perte de temps, jeune recrue ! Je récupère Fiton, accroché à ses voitures, lui enfile tant bien que mal ses chaussettes et tente un retirage délicat des gants.
  - Mais non c’est beau je te dis !!
J’ai pas le courage, j’abandonne .. après tout, si il veut mettre un gant rouge et un gant vert au mois d’avril, qu’il le fasse.. je ne voudrai surtout pas contrarier un sens artistique naissant.

Une, deux, Une, deux .. j’empoigne le sacanounou, je bourre les doudous de tout le monde dedans, je plonge sous la table récupérer ces satanées sussus qui, par je ne sais quel mystère, s’y planquent toujours. Sans lâcher le sac, je prends TouptiFiton qui, finalement, s’amuse bien dans son parc, lui colle sa veste tout en aidant Fiton à mettre la sienne de l’autre main. Je pousse tout le monde vers la porte et risque la descente de mes escaliers qui mènent à la voiture : j’ai le sacanounou, mon sac à main, mon sac de travail, mon repas et tout est disposé harmonieusement en grappe sur un bras, dans l’autre toujours TouptiFiton et au bout du pied, j’encourage gentiment Fiton à se bouger le popotin.

Ca y est, je suis dans la voiture, harassée, épuisée. Ma mission est encore une fois ce matin accomplie. Pas de blessés au combat. Les enfants sont attachés et attendent patiemment que je démarre la voiture. Je jette un coup d’œil au rétro qui me renvoie une image désespérante de vérité.

Il est 8h15 (argh, 5 minutes de retard) et ma seconde journée va commencer.